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Le Pavé, construire la ville de demain

Réalisé par Fabrice Lundy et Dorothée Blonde

Photos LIONEL GUERICOLAS

Réaliser des matériaux durables fabriqués à partir de déchets, telle est la promesse de cette jeune entreprise d’Aubervilliers qui connaît une croissance spectaculaire depuis ses débuts.

MARIUS HAMELOT :  PDG de Le Pavé

Tout commence à l’École d’architecture de Versailles quand Marius Hamelot prend conscience du manque d’alternative au béton, au bois ou au métal. Ce fils d’architectes trouve aberrant « qu’aujourd’hui, on construise de la même manière, avec les mêmes matériaux, qu’on soit à Dakar ou à Bordeaux. C’est un décalage total par rapport aux ambitions de décarbonation surtout quand on connaît le poids du secteur du bâtiment dans l’appauvrissement des ressources ». Lors d’un projet de master, il décide d’explorer de nouvelles pistes pour créer un matériau durable et finit par développer son projet hors de l’école. Ce sera le fameux « pavé », un écomatériau, des panneaux multi usages 100 % recyclables composés de plastiques durs broyés et transformés pour le second œuvre. L’entreprise d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis naît en 2018, avec son ami d’enfance Jim Pasquet.

Du déclic aux Jeux olympiques

Marius Hamelot propose son « pavé » aux secteurs du design, de l’architecture et de la construction. L’avantage est qu’il se travaille aussi facilement que le bois et permet de créer des revêtements pour divers usages. Les jeunes entrepreneurs cherchent à pallier l’utilisation de matériaux devenus incohérents eu égard aux objectifs de transition environnementale et à la surproduction de matières. « Nous voulons capitaliser sur les ressources existantes, les déchets qu’on produit chaque jour, comme le PET des bouteilles plastiques, pour créer une matérialité plus proche des utilisateurs. » Le plus de cette nouvelle matière première : l’esthétique. « Si l’on ne fait que recycler pour recycler, qu’on ne raconte pas une autre histoire ou qu’on ne crée pas quelque chose de performant et désirable, le recyclage devient juste une contrainte. On démontre qu’on peut faire quelque chose de beau », expliquent les deux associés. La discussion avec Bouygues sur la possibilité de réaliser des sièges en plastique recyclé pour les JO 2024 est arrivée moins d’un an après la création de l’entreprise. Les 10 000 sièges ont été livrés fin 2023. Entre-temps, les deux amis ont réalisé 1 500 projets, recyclé 550 tonnes de plastique et connaissent une croissance annuelle de 200 à 300 %.

Recycler des déchets Made in France

La Plateforme du Bâtiment distribue les produits partout en France. Les commandes affluent avec toujours plus de gros projets notamment pour la réalisation de plans de travail pour le ministère des Armées : « On est content de voir que le besoin de matériaux écoconçus, performants, accessibles, continue de croître. » Marius Hamelot parle avec enthousiasme de l’opportunité de réinventer le fonctionnement et le modèle économique des entreprises. Il sent aujourd’hui une effervescence autour de la possibilité d’un nouveau paradigme où la performance économique n’est plus au centre de tout. « On est ultra positifs, on a rencontré 1 000 barrières et à la fois aucune. L’accueil a toujours été bon. Peu de personnes veulent délibérément détruire l’environnement. » L’ambition d’un développement national – voire international – est une évidence pour les deux associés, guidés par le désir d’une véritable révolution industrielle à grande échelle. « Dès les premières minutes du projet, on s’est dit : “Si on s’engage, il faut que ce soit gros parce que si ça ne l’est pas suffisamment, ça restera juste du greenwashing”. » Inscrits dans une démarche d’économie circulaire, Marius et Jim travaillent main dans la main avec leurs partenaires. L’entreprise accompagne les architectes, forme les artisans, et dialogue avec les producteurs pour comprendre les enjeux de demain. Ce va-et-vient, à la fois global et spécifique leur permet d’accélérer la cadence tout en prenant en compte des problématiques concrètes, sans idées reçues. À cela s’ajoute la volonté de penser local. Après avoir démarré par un partenariat avec une entreprise sénégalaise, les innovateurs ont réalisé que la problématique des déchets plastiques existait aussi en France. Aujourd’hui, leur plastique est 100 % tricolore. Ils collaborent avec une centaine de recycleurs nationaux. « La vision n’est plus au niveau du produit mais au niveau de la société et de notre capacité à développer un réseau d’usines locales, capable de capitaliser sur les ressources et les besoins de ces mêmes territoires. On vient défendre une industrie beaucoup plus modulaire et résiliente. »

« On est content de voir que le besoin de matériaux écoconçus, performants, accessibles, continue de croître. »
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