Marjorie Darcet, cofondatrice et présidente de Lixo, n’hésite pas à faire ce parallèle : « Les déchets reflètent la société. Dans une tour de logements, quand les cages d’escaliers n’ont pas été repeintes depuis vingt-cinq ans, il est difficile de se dire que le geste de tri est important. » C’est ainsi qu’on retrouve des bonbonnes de gaz hilarant dans les bennes lors du ramassage des ordures. Cela n’est pas sans risque, car « elles font exploser les incinérateurs, un danger pour les installations et les humains. Le protoxyde d’azote est un fléau européen », constate-t-elle.
Fondée en 2020, Lixo peut détecter les objets incriminés, ce qui permet d’alerter sur le danger. La start-up intervient sur la partie collecte et fournit des capteurs à l’intérieur des camions-bennes. Chaque déchet ramassé est analysé sur sa qualité et son contenu et le résultat envoyés immédiatement sur les tableaux de bord de Lixo.
Le boîtier de Lixo a aussi cet intérêt d’adapter les équipements sur une zone donnée, mais aussi de sensibiliser les clients et de leur faire des recommandations. « On identifie des quartiers ou des points rouges de contamination, on peut prendre les devants et envoyer des ambassadeurs du tri afin d’aménager les appareils ». Cela peut concerner aussi bien les zones touristiques, dans lesquelles certains hôtels trient mal ou en habitat collectif, plus difficile à sensibiliser pour des questions d’éducation et parfois un manque d’installations.
Le déchet, un secteur à inventer
Bien gérer la collecte de nos poubelles, c’est ce qui anime Marjorie Darcet à la tête de cette entreprise de 20 personnes mêlant profils de techniciens et de commerciaux et déjà présente en France, en Espagne,
au Portugal, en Suisse, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Canada.
Longtemps financé par les impôts, le secteur du déchet est une chaîne de valeurs relativement neuve, souvent dénuée de logique économique et d’innovations. Le mauvais aiguillage des déchets sur le chemin de l’enfouissement, de l’incinération ou du centre de tri a un coût financier et environnemental.
L’amélioration des capacités de recyclage dépend des opérations de collecte et de tri réalisées en amont. Avec son associé Olivier Large, Marjorie Darcet s’empare du sujet avec enthousiasme : « Nous étions convaincus qu’il y avait des choses à faire parce que avec l’évolution du prix des matières premières et la pression de la régulation, il fallait trouver un équilibre économique totalement absent dans ce secteur, il y a encore quelques années. »
« Dans une tour, avec des escaliers non repeints depuis 25 ans, se dire que le tri compte est difficile. »
Améliorer la qualité du tri en temps réel
Après des études de sciences politiques, quelques années de conseil en stratégie, et un passage dans une ONG en Afrique de l’Est, Marjorie souhaite changer de cap. Elle rencontre alors son futur associé : « Nous étions tous les deux animés par l’idée de travailler sur les sujets environnementaux, plus particulièrement sur la problématique des déchets, l’économie circulaire, avec un angle technique puisque c’est l’ADN d’Olivier et aussi une façon de trouver des solutions locales, sur le terrain. » Les dirigeants de Lixo ont à cœur de sensibiliser les acteurs publics « qui ont plus de mal à bouger que le privé, malgré leur envie de bien faire, mais les logiques d’investissement sont parfois un peu longues ». Les collectivités s’engagent, s’endettent, et investissent sur des dizaines d’années alors que parallèlement les « process » sont vite obsolètes avec l’arrivée de nouveaux types d’emballages ou encore de nouvelles lois plus exigeantes sur l’amélioration de la qualité du tri. « Clairement, on observe une pression de plus en plus forte d’un point de vue législatif ! » Les « contrats de performance », notamment, permettent aux collectivités d’imposer aux collecteurs des objectifs d’amélioration, ce qui les transforme en acteurs à part entière de l’économie circulaire. Lixo vient donc les aider à « s’autonomiser » grâce à ces équipements envoyés par La Poste et installés en une demi-journée. Ce boîtier intelligent a déjà convaincu de gros opérateurs de collecte tels que Suez ou Veolia. « On voit une énorme appétence sur les sujets qu’on porte. C’est un milieu passionnant, pas très glamour, mais hyper important. »
Son autre source de satisfaction c’est d’avoir poussé d’autres valeurs au centre de la philosophie de Lixo dont l’ensemble des collaborateurs sont actionnaires : « Une façon d’allier le fond à la forme et de permettre une croissance saine et collective. »