« On a été un petit, un tout petit minuscule maillon dans la réouverture de Notre-Dame de Paris. » Mais Karine Da Silva, la présidente fondatrice de Georges, en est très fière presque un an après. C’est un médecin travaillant pour la Médecine du travail qui avait suggéré son nom à l’établissement public pour gérer la décontamination au plomb des vêtements des ouvriers après l’incendie. Au cœur de l’été 2019, après avoir annulé ses vacances, forte de son expérience, la jeune dirigeante monte un dossier en huit jours et emporte le marché.
Une nouvelle reconnaissance pour celle qui, il y a huit ans, plaque tout pour lancer à Bassens, près de Bordeaux, sa blanchisserie industrielle écoresponsable pour professionnels. Venant du mécénat pour l’Opéra de Bordeaux, elle avait créé, en 2000, Ex Nihilo qui conçoit des vêtements de travail. « J’entendais beaucoup nos clients grands comptes râler à propos de l’entretien. » Ce qui lui donne l’idée de s’emparer du sujet avec dès le départ une vision écologique. « La moitié de l’impact environnemental dans un vêtement professionnel c’est l’usage de l’article, notamment l’entretien. »
Elle revend ses parts, sollicite de la love money, et en 2017, Georges prend forme. Existe-t-il ? Karine Da Silva joue la mystérieuse, « Georges, qu’on ne voit pas c’est l’homme de l’ombre un peu comme Charlie dans “Drôles de dames”. Il tire les ficelles de plein de gens qui sont super compétents ». La première étape a été de trouver au départ une technologie d’entretien peu consommatrice de ressources.
Le secret de Georges, ce sont des micro- billes qui remplacent 80 % de l’eau dans des machines à laver innovantes, développées en exclusivité pour la PME girondine par Hydrofinity. Le Britannique, voisin de Rolls-Royce, à côté de Manchester, nettoyait des pièces aéronautiques pour le célèbre constructeur de moteurs d’avion.
Cinq fois moins d’eau
Ces microbilles de lavage sont fabriquées en polymère par BASF en Allemagne et mesurent quatre millimètres de diamètre. Pour 35 kilos de linge, il faut mettre 25 kilos de billes qui restent en cycle fermé dans le tambour durant un trimestre, soit 700 cycles de lavage, avant de les recycler. Karine Da Silva est fière d’affirmer que « nous prolongeons la durée de vie de vos vêtements tout en consommant cinq fois moins d’eau – deux fois moins d’électricité car on chauffe moins l’eau – et deux fois moins de produits lessiviels. » L’an dernier ce sont environ cinq piscines olympiques qui ont été économisées.
L’entreprise qui s’est spécialisée dans l’entretien, le nettoyage, la dépollution et la décontamination d’uniformes souillés par le plomb et la suie, notamment pour les pompiers, dispose aujourd’hui de neuf sites en France – les deux derniers étant Lille et Rouen – dans un rayon d’action localisé – 250 kilomètres – pour limiter l’empreinte carbone. La jeune PME se distingue d’ailleurs par son modèle maîtrisé, réplicable en six mois. 500 000 € d’investissement sont nécessaires en moyenne pour une ouverture.
La moitié de l’impact environnemental dans un vêtement professionnel, c’est notamment l’entretien.
Hypertraçabilité
L’autre point fort de Georges, c’est d’amener du service grâce à la tech, en plus de l’environnement. « La technologie d’entretien, c’est un atout vraiment important. La digitalisation du parcours du vêtement aussi afin de suivre chacun des vêtements grâce à un QR code en temps réel », insiste la dirigeante qui se targue d’avoir 10 % de ses effectifs qui sont des développeurs, des data scientists ou des spécialistes du digital.
La blanchisserie industrielle travaille en effet sur un programme à 2027 autour de l’intelligence artificielle et des modèles prédictifs « pour optimiser la gestion des flux et aider les clients à réduire la consommation de textiles afin d’acheter la juste quantité au bon mo- ment. »
Le succès est vite arrivé. D’abord, quasiment à la création en 2017, le premier gros contrat avec un atelier SNCF. Puis Eiffage, Air France pour le personnel navigant de l’aéroport de Roissy, la préfecture de police de Paris, Renault récemment. Presque 2 millions de vêtements sont lavés par Georges qui voit grand pour la suite, portée par une croissance constante grâce notamment au succès du chantier de Notre-Dame de Paris, avec l’ouverture de nouvelles blanchisseries en France et peut-être en Europe.
Et surtout, une ambition forte revendiquée par Karine Da Silva : « Créer une blanchisserie à zéro impact environnemental d’ici à 2030, en développant des solutions de cycle fermé pour minimiser l’utilisation de ressources », notamment en réutilisant l’eau, et constituer une flotte 100 % électrique.
