En quarante ans, le groupe nordiste Eridium – et son navire-amiral Soflacobat – a acquis une position incontournable dans les Hauts-de-France sur sa spécialité qu’est le gros œuvre. Grâce à sa présidente, il fait figure de précurseur dans bien des domaines : la construction, le numérique et l’environnement.
On ne peut être que séduit par la gentillesse et le charisme d’Annick Berrier, la présidente de Soflacobat qu’elle a fondée, il y a quarante ans à Caëstre, entre Lille et Dunkerque non loin de la frontière belge. Son entreprise de gros œuvre, spécialisée dans la construction de maisons individuelles groupées en lotissement et de logements collectifs, évolue au sein de Eridium, sa holding qui regroupe aussi Betapref – une usine de préfabrication d’éléments structurels en béton –, et Arteic – couvreur, étancheur. L’ensemble pèse 28 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Son père, un céréalier, la voyait suivre sa trace. Fin de non-recevoir de la part de celle qui veut « exister par elle-même ». Ce sera le BTP : d’abord assistante de direction d’un groupe de 1 000 salariés, avant de créer seule Soflacobat en 1981. Elle le dit elle-même, « elle voulait acquérir pouvoir et autonomie, en cultivant le goût du risque ».
Quand on se lance en tant que femme dans le BTP au début des années 80, il faut faire tomber des stéréotypes : « Je l’ai fait. Et quand on est légitime, que vous savez de quoi vous parlez, alors vous êtes acceptée par vos collaborateurs. » Ils sont aujourd’hui 200 dans le groupe, dirigé par celle qui assume son côté rebelle depuis le début. Femme et dirigeante dans un milieu masculin n’a jamais effrayé Annick Berrier. Ce qui lui a valu à deux reprises d’être récompensée du palmarès Women Equity. « Tous les jours, je veux faire quelque chose de difficile. S’il y a des obstacles sur ma route, je veux les dépasser. Dans ce milieu, il est vital d’avoir un fort caractère et je ne cherche pas à plaire à tout le monde », confie-t-elle.
Le digital au service de l’environnement
Au début de l’aventure, la jeune présidente qui équipe Soflacobat de Tandy – les PC de l’époque – demande à un cousin informaticien de lui créer un logiciel dédié à la gestion adaptée au bâtiment. Beaucoup de chefs d’entreprise viendront la voir pour s’en inspirer.
Elle est aussi précurseur dans l’utilisation de la modélisation des données du bâtiment (BIM) pour créer des maquettes en 3D. « L’excellence de cet outil nous permet d’anticiper, de rationaliser et de piloter chaque chantier », se satisfait Annick Berrier. Au-delà de son savoir-faire, ce processus sert l’efficacité énergétique de l’industrie du bâtiment au moment de construire. « C’est le gros œuvre qui est responsable de cela », ajoute l’intéressée, très fi ère de contribuer à sa façon à cette troisième révolution industrielle autour de l’environnement, surtout que le bâtiment est en première ligne pour décarboner.
Néanmoins, quand on lui parle de matériaux biosourcés, de chanvre, de paille, d’ouate de cellulose, de bois, Annick Berrier se crispe légèrement : « Je suis une maçonne, un “bétonneux”, le bois n’est pas mon métier. Ce qui ne nous empêche pas d’être en veille tout le temps en intégrant les concepts d’éco-responsabilité et de bioéconomie à nos services. »
Des méthodes avant-gardistes
Cette révolution, la fondatrice de Soflacobat, a bien l’intention de la mener en première ligne. Ainsi, elle n’externalise aucun calcul de béton armé. C’est son propre bureau d’études et son armée de jeunes ingénieurs qui pilotent tout. Ensuite, la maîtrise d’œuvre et les architectes prendront le relais.
Dans cette volonté de contrôler toute la chaîne, Betapref, l’usine de préfabrication de béton, produit poutres, poteaux… qui entrent dans la conception du gros œuvre : « Pour conserver notre indépendance et nos marges en interne, tout se fait en circuit court. »
Toujours pour maîtriser la construction, Eridium a signé le rachat du dunkerquois Arteic, spécialisé dans l’étanchéité, l’isolation par l’extérieur, le bardage et la couverture. L’idée avec ces trois entités du groupe est de rafl er un maximum de marchés dans les Hauts-de-France et désormais en Ile-de-France et en Normandie.
Manque de bras
Le moment venu, c’est son fi ls Sylvain, directeur général des trois entreprises, qui succédera à cette femme innovante et déterminée. Si la transmission se fait bien, attirer des talents dans l’entreprise et en général dans la fi lière est crucial.
Annick Berrier en est certaine, elle pourrait multiplier son chiffre d’affaires si elle parvenait à recruter, mais la ressource humaine manque. L’humain : l’autre force de Soflacobat qui capitalise sur les femmes et les hommes qui participent pleinement à son essor.
Former les jeunes générations est un enjeu majeur. « Chacun est unique, chacun a son rôle à jouer : toute l’équipe Soflacobat a des ambitions et nous sommes toujours pressés que cela réussisse », conclut-elle.