Sa formule a le mérite d’être claire : « Je remets mon slip dans le bon sens. » Guillaume Gibault est un éternel optimiste, même si les doutes ont pu être forts depuis deux ans.
Celui qui vient de sortir de HEC, il y a bientôt quinze ans est convaincu « que c’est possible de fabriquer en France et de monter une marque de sous-vêtements sur Internet parce qu’il y a un vrai savoir-faire chez nous. Si on veut changer le monde, il faut commencer par changer de slip. » L’art de la petite phrase dont il va user dans sa communication décapante. On se souvient comment, en 2012, le trublion avait détourné la campagne présidentielle sur le thème « Le changement de slip, c’est maintenant ».
Guillaume Gibault est un ardent militant en faveur du fabriqué en France qui dispose de nombreux atouts. « La réactivité, le savoir-faire et la capacité d’innovation. » L’ADN du Slip français au départ c’est de fabriquer tous ses produits – au liseré bleu blanc rouge – à moins de 250 kilomètres du consommateur. Des boxers, des slips, puis des pyjamas, des maillots de bain, des marinières, et pour les femmes ensuite des brassières. La marque coopérera à son apogée avec 80 fabricants français pour le tricotage des fils et la confection. Les vêtements sont écoconçus avec des matières recyclées et locales, comme le lin ou la laine en circuits courts. Les boîtes d’emballage et les étiquettes sont également conçues en France.
En 2011, à la création, Guillaume Gibault dispose de 600 slips dans son garage. Plus de 2 millions de pièces suivront, écoulées surtout à une clientèle masculine, via Internet principalement, mais aussi dans un petit réseau d’une quinzaine de boutiques en propre, à un prix de 40 € en moyenne l’unité !
La recette fonctionne puisqu’en dix ans, Le Slip français double de taille chaque année jusqu’à atteindre 25 M€ de chiffre d’affaires avec un record durant le Covid, période durant laquelle chacun se rapproche des marques de proximité.
Le mirage du Covid
« On a fait l’erreur de croire qu’il allait y avoir un monde d’après, que tout le monde allait acheter made in France et en ligne, parce que c’est du bon sens, c’est de l’emploi, c’est moins de CO2. » L’entreprise perd 10 % en 2022, autant en 2023. Entre-temps est passée la crise de l’inflation. « On s’est dit qu’on était trop forts et que nos produits à 40 € ça marcherait. » « Erreur », constate Guillaume Gibault. Il faut donc changer de stratégie.
C’est avec Léa Marie, sa responsable industrielle, aujourd’hui directrice générale et Bruno Haddad, que la nouvelle partition va s’écrire. L’entreprise a dû totalement repenser son modèle économique et réduire les prix, « qu’on a fixés autour de 15-20 € en se disant que ça reste plus cher que le reste, mais que c’est déjà beaucoup plus abordable pour un produit d’équipement ».
L’ADN du Slip français demeure
Une nouvelle usine en propre a été ouverte, il y a dix mois, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) pour produire de manière compétitive et automatisée 15 000 pièces par semaine, soit 3000 slips par jour. À terme, Le Slip français y produira 40 % de sa production, en conservant le reste chez les sous-traitants.
Ou ce qu’il en reste. La promesse du made in France rêvée par le toujours jeune entrepreneur s’est étiolée. Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance, rappelait dans son dernier opus que le pays « s’est vidé de près de la moitié de ses usines entre 1995 et 2015 » . Bien sûr, il reste le luxe qui vend très cher des produits avec une image de marque incroyable. Et de l’autre côté, des fabricants français qui ont passé graduellement une partie de leur production à l’étranger pour essayer de contrecarrer l’arrivée de concurrents sur le marché européen comme la Chine suite à son entrée à l’OMC.
Aujourd’hui, en cet automne 2025, que reste-t-il des valeurs fondamentales du Slip français ? « Tout, promet son fondateur. Il reste la cocarde, le panache, l’au- dace. Le Slip français vise à rester une marque désirable tout en étant plus accessible. On était une marque cadeau. On devient une marque d’équipements. »
L’entrepreneur se souvient de cette époque sombre : « Repenser tout son modèle économique, c’est super dur. Ce sont des moments de doute, de reconstruction totale. » L’ aventure repart donc. Et tel l’optimiste qu’il est, il peut aujourd’hui affirmer « Dans dix ans, le Slip français sera vraiment la marque iconique des sous-vêtements fabriqués en France dont nous allons accroître la production. »
Dans dix ans, Le Slip français sera vraiment la marque iconique des sous-vêtements fabriqués en France.
